Le prix fixé pour les grands vins résulte plutôt, selon moi, d’un rapport de force opéré par la propriété qui est souvent détenue par des personnes ou des sociétés ayant accumulé de belles fortunes en dehors du monde du vin, que de la loi de l’offre et de la demande. La rareté du produit faisant monter les prix certes, mais il est temps de regarder les choses en face et d’essayer de quantifier les stocks de grands crus détenus à but spéculatif. Cependant jusqu’où les prix des grands crus de Bordeaux de Bourgognes, d’Italie ou des USA peuvent-ils monter ? La limite est celle que se fixeront les ultra -riches pour s’offrir des vins, dont seul le nom les sécurisera, et leur offrira le besoin d’appartenance ou d’estime.

Aujourd’hui, les propriétaires des plus beaux vignobles de France et d’Italie ont suffisamment de réserve de trésorerie pour compenser le temps passé au marketing des vins issus de leur propriété pendant qu’ils concentrent tous leurs efforts sur le branding et la politique de marque. Ainsi, bien que le marché soit devenu mondial, il est évident que le moteur du prix des grands vins n’est plus le rapport entre l’offre et la demande, même s’il existe encore de manière déguisée (à travers la rétention artificielle des stocks) pour maintenir les cours des grands crus pour lesquels un branding est créé. Cela fait d’ailleurs partie du jeu de la valorisation. Le niveau de prix déterminé pour la mise en marché est désormais directement lié à l’image que les propriétaires veulent donner de leur produit. Et c’est là qu’intervient le rapport de force versus celui de l’offre et de la demande. Dans ce schéma, le consommateur lambda, amateur de vins, doit se plier aux exigences de prix de la propriété.

Mais, si la clientèle cible vient à ne plus être suffisamment importante pour écouler et boire les 100, 200 ou 300 000 bouteilles produites chaque année par chacun de ces très beaux domaines, le niveau des prix sera de nouveau déterminé par le jeu de l’offre et de la demande.