Les classements des vins relèvent d’une individualité et d’une compétition forte qui, en même temps, peut causer des dommages à toute une région viticole. L’affaiblissement de la notoriété qui résulte d’une note inférieure à 90/100 (qui n’est somme toute pas si mal), conduit forcément à une baisse de la rentabilité et des marges à la production, engendrée par une réduction de la demande sur les vins qui ne présentent pas une note remarquable. Hormis pour les quelques grands châteaux et domaines qui font figure de produits de luxe et d’exception, la descente du piédestal pour tous les autres est parfois abrupte.
Nul besoin de retourner le couteau dans la plaie, le classement de Saint-Emilion illustre parfaitement ce que je tente d’exprimer.
La prolifération des classements sur tous les sujets est révélatrice d’une tendance : vouloir posséder ce qui, selon les notes, se fait de mieux sur le marché, au détriment de son propre libre arbitre.
Les classements et les notes engendrent un comparatif systématique, à commencer par les prix, au détriment de la valeur intrinsèque du vin. La comparaison des notes ou des prix se substitue à l’évaluation personnelle et à la satisfaction gustative pour le vin. On ne sert plus un grand vin, on sert « un 100 points », qui est forcément mieux qu’un 98 points ou un premier grand cru « à la mode », sans détermination précise des qualités gustatives qui correspondent à nos préférences en matière de goût. La dimension émotionnelle du partage est effacée par une notion purement quantifiable. Est-ce la raison d’être du vin ?
D’ailleurs, en dehors du monde du vin, les exemples d’infortune et de débâcles sont nombreux lorsque les seuls critères de référence sont des notes ou des étoiles. Gardons en mémoire la descente aux enfers de certains cuisiniers qui ont connu des pertes d’étoiles, d’autres ont volontairement choisi de sortir des classements. Les passions liées aux goûts et à l’émotion s’accommodent mal des classements sur le long terme.
Il y a de nombreux exemples de régions viticoles dans le monde qui connaissent un succès international dans la promotion et la vente de leurs vins, sans être soumis à un classement quelconque. J’aime rappeler que, jusqu’en 1993, Sassicaia était « Vino de Tavola » (vin de table) qui n’avait pas droit à l’appellation d’origine contrôlée. On connaît aujourd’hui le succès international de toute l’appellation Bolgheri, sans que cette dernière ne fasse partie d’aucun classement.
En Bourgogne ou dans le vignoble rhodanien, on achète aujourd’hui en fonction des affinités avec un domaine ou d’une famille de vigneron et plus tellement en fonction de la classification du vin ou de ses notes.
C’est la raison pour laquelle je crois fermement que la dégustation devrait être le critère déterminant pour choisir un vin. Chez B&S Wine nous recevons volontiers les amateurs de vins qui souhaiteraient se prêter à l’exercice afin de choisir ensemble des vins qui leur correspondent.